Monday, July 10, 2006

Foot et Politique

(Article de Libération)

Et au fait, Zidane, il est de gauche ou de droite ? Au terme de la carrière de l'icône de tout un pays, la question paraît toujours aussi saugrenue. Jamais le décalage n'a été aussi grand entre ce que d'innombrables observateurs ont voulu faire dire, porter, ou incarner à une vedette du sport, et la rareté des expressions publiques de l'intéressé. Les politiques de tout bord se l'arrachent, en font un modèle de «l'intégration à la française», l'étendard d'une «France black-blanc-beur» fantasmée. Mais Zidane se contente de réponses transparentes quand on l'interroge sur des sujets politiques ou sociétaux.


Certes, le footeux est souvent taiseux. Mais l'on se souvient que «l'ange Vert», Dominique Rocheteau, avait incité, en vain, ses camarades à boycotter la Coupe du monde 1978 qui se déroulait dans l'Argentine des généraux putschistes. Membre du Haut conseil à l'intégration, Lilian Thuram, lui, n'hésite pas à répliquer aux injures de Le Pen ou à interpeller Nicolas Sarkozy lorsque le ministre de l'Intérieur traite les gamins de banlieue de «racaille». Thierry Henry et Sylvain Wiltord l'ont soutenu. Zidane s'est tu. Ailleurs, Pelé a été ministre, Maradona s'affiche aux côtés de Fidel Castro.
On n'imagine pas Zidane membre d'un futur gouvernement. Question de tempérament sans doute. Mais pas seulement. Ni la crise des banlieues ni le sort fait aux sans-papiers ne lui ont inspiré des commentaires. Au lendemain du 21 avril 2002, alors que nombre de sportifs (à commencer par le XV de France de rugby) s'étaient spontanément mobilisés, il avait fallu tirer Zizou par le maillot pour qu'il enregistre un message vidéo appelant à faire barrage à Le Pen au deuxième tour de la présidentielle. De même, quand Franck Ribéry revendique sa conversion et répète que «c'est l'islam qui lui donne sa force sur le terrain et en dehors», Zidane, lui, ne parle jamais de religion. Zidane n'a de mots que pour le ballon. Et la seule fois où il a osé sortir des sentiers rebattus de la langue de bois, ce fut, en août 2005, pour évoquer la mystérieuse «voix» qui l'avait incité à remettre son numéro 10 des Bleus. On s'est gaussé. On n'écoute pas Zidane, on le regarde, c'est tout.

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