Thursday, November 23, 2006

Je ne suis pas un hard-core gamer. Ce n’est pas une supplique désespérée dénotant un obscur désir de normalité. C’est un fait. Certains, pourtant, en doutent. Comme si on devenait hard-core par le temps passé à jouer. C’est vrai qu’au-delà d’un certain nombre d’heures par semaine, on a tendance à classifier les joueurs dans une catégorie bien spéciale. Mais le hard-core gaming, c’est autre chose. C’est un rapport au jeu que je n’ai pas.

Avant d’aller plus loin, une précision. Je ne veux pas m’attribuer la réflexion d’un autre. C’est celle du game designer Ernest Adams, chroniqueur talentueux du site Gamasutra. En août 2000, il écrivait : « les core gamers jouent pour le plaisir de battre le jeu ». A l’époque, alors que je commençais à peine à m’occuper des jeux à Libé, j’ai trouvé que c’était la définition la plus pertinente. Six ans plus tard, j’en suis convaincu. Pour ma part, je joue pour le plaisir d’être transporté dans un autre univers, de remporter des défis, et pour toute la palette d’émotion que le jeu peut procurer.

Je sais qu’il est souvent prétentieux et inutile de sortir une définition de son chapeau (ou de celui d’un autre). Mais celle-ci permet d’éclairer les rapports existants entre les joueurs et les jeux. L’exemple le plus criant est celui de la gestion de la frustration et de la récompense. Cet équilibre est l’un des points les plus importants du game design. Et la perception de la frustration n’est pas la même qu’on soit hard-core gamer ou pas. Un obstacle dans le déroulement d’un jeu (énigme, boss, etc.) est pour le joueur « lambda » une étape dans sa progression vers la suite des événements. La principale récompense est alors de pouvoir avancer et continuer sa progression. La frustration est donc de stagner, d’être bloqué. Cet obstacle se doit alors d’être savamment dosé pour, d’un côté, jouer son rôle d'épreuve (la récompense n’en est que plus appréciée), et de l’autre ne pas enlever au joueur toute velléité de persévérer. Je me souviens encore de mon désespoir face à Ninja Gaiden. Au bout d’un nombre incalculable d’affrontements vains face au premier boss. J’ai vite abandonné.

Pour le hard-core gamer, la récompense tient au fait de franchir l’obstacle, d’avoir été capable de le faire. Sa tolérance à la frustration est donc autrement plus élevée, vu qu’il joue principalement pour ces moments. En caricaturant, ce qui se trouve entre les obstacles (scénario, personnages, univers, etc.) n’est pour lui qu’un remplissage décoratif. Le méchant imbattable, l’énigme tordue, les échecs à répétition, c’est pour lui. Ca tombe bien, je lui les laisse.

Je ne suis pas un hard-core gamer, et pour tout dire, je ne m’en porte pas plus mal. C’est une approche du jeu vidéo que je trouve très limitée et, pour tout dire, plutôt rétrograde (les fins connaisseurs reconnaîtront ici un troll de belle facture). Mais je ne parle pas tant du fait de jouer de cette manière (la liberté de jouer de la façon qui nous plait est le premier article de la déclaration des droits du joueur), mais d’évaluer la qualité des jeux, ou pire, d’en concevoir, via ce prisme. Mais je suppose qu’une bonne moitié d’entre-vous ne partage pas forcément cet avis…

E.C.

1 Comments:

Blogger Trubune libre said...

E C, c'est erwan Cario de Libé

9:05 AM  

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